Les effets du droit communautaire sur le droit national

 

Le droit communautaire de par sa nature même est immédiat : c’est à dire qu’il pénètre le droit national sans aucune forme de « réception » dans l’ordre juridique national.

Ceci vaut pour l’ensemble des sources du droit communautaire.

 

Cette immédiateté est articulée par rapport au droit national autour de deux principes :

-         l’effet direct du droit communautaire

-         la primauté du droit communautaire.

 

 

1.  L’effet direct du droit communautaire.

 

La théorie de l’effet direct n’a aucun fondement dans les dispositions des traités, elle est une création de la Cour de Justice des Communautés Européennes ( CJCE ) :

 

-         l’arrêt Van Gend en Loos  ( 1963 )

 

La Cour de Justice se livre dans cet arrêt à un raisonnement «  macro-juridique », c’est à dire à une analyse de la volonté réelle ou supposée des Etats membres plutôt qu’à une analyse celle des textes :

-         d’une part les traités ne sont pas des traités internationaux ordinaires, mais créent un nouvel ordre juridique reposant sur des limitations et/ou des transferts de souveraineté.

-         d’autre part, en imposant des obligations aux États membres, les traités font naître des droits nouveaux pour les individus qui peuvent exiger le respect des obligations souscrites par les États membres.

La nécessité de garantir la sauvegarde des droits des particuliers justifie le contrôle des institutions communautaires.

L’effet direct a donc un double objectif : protéger les droits des individus mais aussi garantir l’efficacité de l’application du droit communautaire.

La Cour se livre a une interprétation téléologique de la volonté des États qui en créant un marché commun ont voulu créer des droits pour leurs ressortissants et pour eux-mêmes.


Conclusion : le droit communautaire a la capacité d’engendrer dans le patrimoine des ressortissants des droits et des obligations sans que les États membres puissent s’y opposer d’une quelconque manière.

 

2 . La primauté du droit communautaire

 

Dans les constitutions fédérales, il existe des dispositions de conflits qui assure la primauté du droit fédéral sur le droit des États fédérés. Or il n’existe rien de tel dans ce que certain n’hésitent pas à qualifier de « constitution » communautaire. La juridiction communautaire ne dispose d’aucun pouvoir d’élimination de la norme nationale. Il était alors envisageable de régler ces relations par des solutions de droits international public, c’est à dire la supériorité des règles de droit international sur le droit interne mais les États conservent la responsabilité de la mise en œuvre de cette primauté.

Cette vision « internationaliste » a été fermement rejetée par la Cour qui lors de sa jurisprudence Van Gend en Loos avait déjà affirmée vigoureusement l’autonomie irréductible du droit communautaire et l’a renforcée avec son arrêt Costa c/ ENEL.

 

 

-         L’arrêt Costa c/ ENEL ( 1964 )

 

Pour la Cour il faut chercher le fondement de la primauté du droit communautaire en lui même : «  issu d’une source autonome, le droit né du traité ne peut se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle même »

 

Pourquoi le droit communautaire prime-t-il sur les normes nationales ?

 

La Cour se livre dans l’arrêt Costa c/ ENEL à un raisonnement analogue à celui tenu pour affirmer l’effet direct ; un  raisonnement « macro-juridique » :

la volonté des États membres de construire une union douanière et un marché commun implique nécessairement l’unité d’application des règles communes sur l’ensemble du territoire communautaire. La « Constitution économique » de la Communauté porte en elle-même comme « une exigence fondamentale de l’ordre juridique communautaire », l’uniformité du droit communautaire. Cette uniformité impose que les normes du droit originaire ( Traités ) et du droit dérivé aient dans tous les États membre la même signification, la même force obligatoire et le même contenu invariable ; ce qui ne peut se concevoir sans primauté absolue du droit communautaire sur le droit interne.

 

Conclusion ; tout le droit communautaire prime sur tout le droit national. Ce qui implique que le droit communautaire prime aussi sur les constitutions nationales ( CJCE, Ord, 22 juin 1965 San Michele 9/65, Rec., 35) : « l’invocation d’atteintes portés soit aux droits fondamentaux tels qu’ils sont formulés par la constitution d’un État membre soit aux principes d’une structure constitutionnelle nationale ne saurait affecter la validité d’un acte de la Communauté ou son effet sur le territoire de cet État ».

La primauté vaut ainsi aussi bien à l’égard de la norme nationale antérieure que de la norme postérieure.

Enfin elle vaut à l’égard de toutes les branches du droit interne.

 

 

La construction communautaire est vraiment admirable sur un point précis. En effet, elle impose sa primauté mais c’est aux autorités nationales qu’elle impose de la faire respecter :

 

-         le législateur a l’obligation d’abroger la norme nationale contraire

-         l’administration a l’obligation de ne pas l’appliquer

-         le juge l’obligation de ne pas lui faire produire d’effet juridique.

 

Et quand bien même tout cela ne serait pas respecté, tout norme nationale contraire est considérée comme inopposable.

 

La norme nationale est encadrée de toute part, abrogée lorsqu’elle est contraire et antérieure, sans effet juridique et sans effet lorsqu’elle est postérieure.

La norme nationale est alors en coupe réglée, le juge communautaire en est le censeur et la volonté populaire se doit d’abdiquer devant lui.

Comme l’a finalement très bien dit la CJCE, l’effet direct et la primauté du droit communautaire se justifie de part la nature même du droit communautaire ; les remettre en cause serait remettre en cause le système fondé en 1957 tout entier. Je crains que nous ne puissions en faire l’économie pour redonner un véritable sens au mot de démocratie.