Gueule de bois à Sciences-Po

Natacha POLONY (Sciences-Po Paris), Gaël BRUSTIER (Sciences-Po Strasbourg)
Carol J. (Sciences-Po Paris) et Gaëtan DE ROYER (Sciences-Po Paris)


Depuis l'adoption, par le CA de Sciences-Po Paris, de la fameuse "convention ZEP", la vie du fier Institut a des allures de lendemain de match. Les caméras ont quitté "la péniche", hall d'entrée du bâtiment, les spots se sont éteints. Et tout se passe comme si, enivrés par un débat passionné, ses principaux acteurs avaient aujourd'hui la gueule de bois.

Les étudiants opposés à la réforme d'abord. On a beaucoup entendu de sottises de leur part - "la réforme devrait dévaloriser le diplôme" -, propos auxquels s'ajoutent des arguments infondés - " la réforme instaurerait une discrimination entre les étudiants". Certes, le projet introduit de profondes inégalités entre les étudiants dits "défavorisés" et se montre particulièrement arbitraire dans son mode de sélection. Un jeune issu d'une famille modeste de Valenciennes, par exemple, n'aura jamais la même chance d'intégrer Sciences-Po qu'un étudiant plus aisé, scolarisé en ZEP, et entretenant de bonnes relations avec les enseignants qui participent à la sélection. Ceci étant, aucune discrimination n'intervient, les quelques places réservées aux lycéens de ZEP étant ajoutées à l'effectif déjà existant. Et la réforme, pour ceux qui en bénéficieront, est généreuse.

La direction devrait aussi réfléchir sur son attitude peu constructive. Après avoir organisé le projet de convention sans jamais se soucier d'en informer les étudiants, elle s'est retranchée derrière des idées reçues peu dignes de son niveau. Devant les journalistes, elle se lâche : le principal mérite du débat aura été de faire découvrir le problème des ZEP aux "petits bourgeois" de Sciences-Po qui, il va sans dire, n'y pensaient que dans leurs pires cauchemars.  Pour certains, engagés sur le terrain associatif, pratiquant le soutien scolaire, l'injure est difficile à avaler.

Nous sommes plusieurs à avoir été déçus par les termes du débat. Car la réforme en elle-même, d'ampleur modeste, ne valait pas que coule autant d'encre. En revanche, ne fallait-il pas voir, en cette généreuse initiative, le triste signe du renoncement à la politique ? A la politique d'integration mais aussi, et surtout, à une politique globale d'éducation ? Ne fallait-il pas parler de classes préparatoires, d'application des programmes du primaire, du collège et du lycée sur l'ensemble du territoire, quel que soit le quartier ?

Que l'on nous comprenne bien : nous ne dénigrons pas la charité de Richard Descoings, Directeur de l'IEP, mais nous lui préférons l'égalité républicaine. Devant un tel recul de la politique, ce sont tous les Français qui, aujourd'hui, devraient avoir la gueule de bois.