La danse du scalp

Malika AHMED, François DEVOUCOUX DU BUYSSON et David MARTIN-CASTELNAU
Génération République (
republique@noos.fr)


Qui lui donnera le coup de grâce? Pas nous. Nous avons l'âge d'être filles et fils de Daniel Cohn-Bendit et nous voulons dire ici à quel point nous déplorons le mauvais traitement dont il est l'objet.

Cohn-Bendit n'a commis d'autre crime que d'écrire quelques terribles bêtises, qu'il regrette amèrement. Cela devrait suffire à clore le dossier. Eh, bien non : la danse du scalp continue. Nous sommes pourtant loin d'être des groupies de cette génération 68, qui s'est construite sur des slogans aussi ineptes qu'«Il est interdit d'interdire» ou «La révolution sera sexuelle ou ne sera pas». Nous n'avons jamais cru que l'aspiration à la liberté et au progrès pouvait se résumer à la faculté de baisouiller, y compris de baisouiller à la faculté. Des aristocrates libertins à Paul Morand, il a été amplement démontré qu'on pouvait être un ardent avocat du plaisir et, par ailleurs, parfaitement réactionnaire. La gauche ne se réduit pas à la libido. La question sociale, l'articulation entre identités privées et collectives, la réflexion sur la conjugaison de l'Etat-nation et de la mondialisation nous paraissent largement aussi essentielles. Pour nous y être intéressés d'un point de vue «républicain», nous avons subi les foudres excommunicatrices de certains esprits délicats. «Nationaux-ceci», «souverainisto-cela» : tout était bon pour nous disqualifier.

Mais les temps changent, et le rusé Goupil voit juste: une nouvelle gauche émerge, qui va de Bové à Technikart, en passant par le Monde diplomatique et Chevènement, avec laquelle la génération de nos aînés devrait, c'est un fait, «discuter avant qu'il ne soit trop tard» (Libération du 23 février). Car nous réclamons à ces mêmes aînés un droit d'inventaire. Directement, sans passer par les bons offices de madame Vichinsky et monsieur Kenneth Starr. Mais ce faisant, nous n'avons nul besoin de transformer une vache sacrée en bouc émissaire: Dany vaut mieux que cela. Nous ne lui disons pas «Adieu!», nous n'invitons pas à «le chasser de nos têtes», nous ne lui conseillons pas «de prendre sa retraite». Il sera pour nous, dans les mois qui viennent, un interlocuteur générationnel, et à certains égards, un adversaire idéologique indispensable pour que l'époque aille au bout de sa mue. Peut-être, d'ailleurs, Dany sera-t-il désormais le premier à montrer l'exemple et, pour en avoir été la victime ahurie, incitera-t-il ses copains à renoncer à la diabolisation tous azimuts?