Modeste contribution aux discours et cérémonies officielles du dixième anniversaire.
Maspero, 1978

Pour ceux qui douteraient encore du caractère visionnaire de l’œuvre de Régis Debray, voilà une « Modeste contribution » de sa part qui ne pourra que les convaincre.

En quatre vingt dix pages Debray livre sa vision de Mai 68 avec le ton incisif et la clairvoyance qu’on lui connaît.

Ce livre écrit en 1978 dresse un tableau plus que réaliste de la société actuelle avec en préambule une accusation aussi lapidaire que méritée :« Mai 68 est le berceau de la nouvelle société bourgeoise ».

Debray réussit à merveille à dissocier folklore militant et caractère intrinsèque du « joli mois de mai ». Si comme il semble le dire bourgeoisie et étudiants « contestataires » ont voulu une dernière fois (« Encore une minute, Monsieur le bourreau » comme le dit Régis Debray) simuler une grande peur de la Révolution ou une répétition d’un nouveau 1848, c’est en fait pour mieux entrer dans la modernité américaine. Les ludions du Quartier Latin n’ont au fond fait que satisfaire les intérêts de la nouvelle bourgeoisie, dont ils s’apprêtaient à faire partie. C’est l’Oeuf de Colomb décrit par Debray : Paris-Los Angeles via Pékin.

 L’évidente conséquence de mai c’est le départ de celui qui incarnait la France « de la pierre et du seigle, de l’apéro et de l’instit, du oui-papa, oui-patron, oui-chéri », de Gaulle qui laisse sa place moins à l’homme de transition Pompidou qu’aux Giscard, Barre, et à tous les « technos » des cabinets chargés de gérer « l’entreprise France » (Jacques Chirac, le « gaulliste » n’est il pas le plus digne exemple de cette nouvelle génération ?). Le Marché s’emparait de la France et des moindres aspects de sa structure : l’Université évidemment fut la première visée... Les répliques de la secousse de mai ébranlent toujours notre École.

Du « droit à la différence » au désir d’équité en passant par la promotion « des libertés » et aux exercices de repentance collective les « enragés » de mai nous apporté beaucoup... Au fond il ont installé par ce biais leur plus grande conquête : la loi du profit.

A tous les grands « bénéficiaires » de cette « révolution » de mai, à commencer par le citoyen, nous conseillons la lecture de ce pamphlet. Ils y trouveront de quoi mieux comprendre l’étonnante complicité de la « société civile » et de tous les Denis Kessler, des vrais-faux girondins, des humanistes terroristes du Kosovo et de tous les éternels Versaillais frappés par le syndrome de Coblence ou de Berkeley...

Enfin on ne peut résister de livrer en avant première au lecteur un court extrait du livre :

« Si l’Europe de demain c’est : un consortium de multinationales égayé par de la dissidence, l’information sera :  beaucoup de spots publicitaires avec, au milieu, un peu de contre-information. Chapeautant le semis des émetteurs mixtes et privés : des anciens de mai, indépassables en matière de communication sociale et de « conceptions » publicitaire. Le tout relayé par les satellites IBM »...

Qui a dit « Adieu Régis Debray » ? !