Maximilien Robespierre (1758-1794)

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

proposée par Maximilien Robespierre le 21 avril 1793


Article 1er

Le but de toute association politique est le maintien des droits naturels et imprescriptibles de l'homme, et le développement de toutes ses facultés.


Article 2

Les principaux droits de l'homme sont ceux de pourvoir à la conservation de
l'existence et la liberté.


Article 3

Ces droits appartiennent également à tous les hommes, quelle que soit la différence et leurs forces physiques et morales. L'égalité des droits est établie par la nature ; la société, loin d'y porter atteinte, ne fait que la garantir contre l'abus de la force qui la rend illusoire.


Article 4

La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme, d'exercer à son gré toutes ses facultés ; elle a la justice pour règle, les droits d'autrui pour bornes, la nature pour principe, et la loi pour sauvegarde.


Article 5

Le droit de s'assembler paisiblement, le droit de manifester ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, sont des conséquences si nécessaires du principe de la liberté de l'homme, que la nécessité de les énoncer suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.


Article 6

La propriété est le droit qu'a chaque citoyen de jouir et de disposer à son gré de la portion de bien qui lui est garantie par la loi.


Article 7

Le droit de propriété est borné comme tous les autres par l'obligation de respecter les droits d'autrui.


Article 8

Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l'existence, ni à la propriété de nos semblables.


Article 9

Tout trafic qui viole ce principe est essentiellement illicite et immoral.


Article 10

La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.


Article 11

Les secours indispensables à celui qui manque du nécessaire, sont une dette de celui qui possède le superflu. Il appartient à la loi de déterminer la manière dont cette dette doit être acquittée.


Article 12

Les citoyens, dont les revenus n'excèdent point ce qui est nécessaire à leur subsistance, sont dispensés de contribuer aux dépenses publiques, les autres doivent les supporter progressivement selon l'étendue de leur fortune.


Article 13

La société doit favoriser de tout son pouvoir le progrès de la raison publique, et de mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.


Article 14

Le peuple est le souverain ; le gouvernement est son ouvrage et sa propriété ; les fonctionnaires publics sont ses commis. Le peuple peut, quand il lui plaît, changer son gouvernement et révoquer ses mandataires.


Article 15

La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté du peuple.


Article 16

La loi doit être égale pour tous.


Article 17

La loi ne peut défendre que ce qui est nuisible à la société ; elle ne peut ordonner que ce qui lui est utile.


Article 18

Toute loi qui viole les droits imprescriptibles de l'homme, est essentiellement injuste et tyrannique ; elle n'est point une loi.


Article 19

Dans tout état libre, la loi doit surtout défendre la liberté publique et individuelle contre l'autorité de ceux qui la gouvernent. Tout institution qui ne suppose pas le peuple bon et le magistrat corruptible est vicieuse.


Article 20

Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais le voeu qu'elle exprime doit être respecté comme le voeu d'une portion du peuple, qui doit concourir à former la volonté générale. Chaque section du souverain assemblé doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté ; elle est essentiellement indépendante de toutes les autorités constituées, et maitresse de régler sa police et ses délibérations.


Article 21

Tous les citoyens sont admissibles à toutes les fonctions publiques, sans aucune autre distinction que celle des vertus et des talents, sans aucun autre titre que la confiance du peuple.


Article 22

Tous les citoyens ont un droit égal de concourir à la nomination des mandataires du peuple et à la formation de la loi.


Article 23

Pour que ces droits ne soient points illusoires et l'égalité, chimérique, la société doit salarier les fonctionnaires publics, et faire en sorte que les citoyens qui vivent de leur travail, puissent assister aux assemblées publiques o* la loi les appelle, sans compromettre leur existence ni celle de leur famille.


Article 24

Tout citoyen doit obéir religieusement aux magistrats et aux agents du gouvernement, lorsqu'ils sont les organes ou les exécuteurs de la loi.


Article 25

Mais tout acte contre la liberté, contre la sûreté ou contre la propriété d'un homme, exercé par qui que ce soit, même au nom de la loi, hors des cadres déterminés par elle et des formes qu'elle prescrit, est arbitraire et nul ; le respects même de la loi défend de s'y soumettre ; et si on veut l'exécuter par la violence, il est permis de le repousser par la force.


Article 26

Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique appartient à tout individu. Ceux à qui elles sont adressées, doivent statuer sur les points qui en font l'objet ; mais ils ne peuvent jamais n'y en interdire, ni en restreindre, ni en condamner l'exercice.


Article 27

La résistance à l'oppression est la conséquence des autres droits de l'homme et du citoyen.


Article 28

Il y a oppression contre le corps social, lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre du corps social lorsque le corps social est opprimé.


Article 29

Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.


Article 30

Quand la garantie sociale manque à un citoyen, il rentre dans le droit naturel de défendre lui même tous ses droits.


Article 31

Dans l'un et l'autre cas, assujettir à des formes légales la résistance à l'oppression, est le dernier raffinement de la tyrannie.


Article 32

Les fonctions publiques ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs publics.


Article 33

Les délits des mandataires du peuple doivent être sévèrement et facilement punis. Nul n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.


Article 34

Le peuple a le droit de connaître toutes les opérations de ses mandataires ; ils doivent lui rendre un compte fidèle de leur gestion, et subir son jugement avec respect.


Article 35

Les hommes de tous les pays sont frères, et les différents peuples doivent s'entraider selon leur pouvoir comme les citoyens du même état.


Article 36

Celui qui opprime une seule nation est déclarée ennemi de toutes.


Article 37

Ceux qui font la guerre à un peuple pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l'homme doivent être poursuivis par tous, non comme des ennemis ordinaires mais comme des assassins et comme des brigands rebelles.


Article 38

Les rois, les aristocrates, les tyrans, quels qu'ils soient, sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre qui est le genre humain, et contre le législateur de l'univers qui est la nature.